Tiré du journal « L’Alsace » 
Stéphane CARDIA – 21 janv. 2023 à 12:30 

« Douze vignobles pour les gouverner tous » : cette référence au Seigneur des anneaux figure en tête d’un dossier spécial publié par la célèbre revue mensuelle Decanter (lire encadré) qui, dans son édition de novembre, s’est mis en tête d’établir la liste des douze plus grands vignobles du monde. Une démarche qui n’a rien d’une sinécure, tant la multiplicité des terroirs rend toute sélection pour le moins hasardeuse, reposant pour une bonne part sur les goûts de chacun en matière de bon vin.

La revue anglo-saxonne s’en excuse d’ailleurs d’emblée, soulignant dans son dossier que de tels choix sont évidemment subjectifs, tout en précisant avoir établi quelques critères de jugement. Parmi ceux-ci, la référence aux Climats de Bourgogne, « un idéal » qui vaut à la région de voir deux de ses vignobles figurer dans la liste, ou encore l’histoire, Decanter estimant que la valeur d’un vin ne se prouve qu’avec le temps, « un demi-siècle ou plus ». Quant à l’accessibilité, elle est simplement mise de côté, les auteurs étant bien conscients que les bouteilles issues de certains vignobles figurant dans cette liste demeurent inabordables pour le commun des mortels, quand d’autres sont vendues moins de 50 €.

Petrus, Montrachet, Musigny et la Napa valley

Que retenir de cette liste  ? D’abord que parmi les douze vignobles sélectionnés (qui sont classés uniquement par ordre alphabétique), certains noms sonnent comme une évidence et ne surprendront pas outre mesure les amateurs de vin : Petrus, Montrachet ou Musigny, pour ne citer que trois des lauréats français. La Champagne est également représentée, avec le Clos des Goisses, ou encore la vallée du Rhône, avec les Bessards. À l’étranger, on citera To Kalon, dans la Napa valley californienne, Macharnudo, en Espagne, Perse, en Argentine, ou encore Vignarionda en Italie. Plus près de nous, l’Allemagne décroche également un lauréat avec le Scharzhofberg, situé dans la Sarre.

Mais la grande surprise, c’est de voir cité aux côtés de ces noms de prestige le Rangen de Thann, qui réussit l’exploit d’y figurer alors que des vignobles de renommée mondiale situés dans la Loire, en Toscane ou en Afrique du Sud en sont absents. Une surprise ? Pas tant que ça pour les vignerons du Rangen, qui accueillent la nouvelle avec une pointe d’amusement et beaucoup de fierté : « ça fait longtemps que je dis qu’à Thann, nous sommes assis sur une pépite, et cette liste en est la preuve », estime ainsi Eugène Schnebelen, l’un des huit exploitants présents au Rangen.

Un vignoble exigeant et difficile

La question de savoir pourquoi l’équipe d’experts de Decanter a sélectionné le Rangen est encore en suspens, même si des éléments donnés dans l’article consacré au vignoble thannois donnent des indications, en particulier la description du sol et les caractéristiques topologiques très particulières du site. L’esthétique des lieux a peut-être aussi joué un rôle, Decanter ayant choisi d’illustrer son dossier par une immense photo des environs de la chapelle Saint-Urbain, avec en toile de fond les ruines du château de l’Engelbourg.

« Le Rangen est un vignoble exigeant, difficile, mais c’est sur ce genre de terrain que les vignes s’expriment le mieux », estime Eugène Schnebelen, pour qui la sélection s’est faite avant tout sur la notion de terroir, incluant le climat, le sol, les cépages, et le système de culture. Le vigneron souligne également que, sur les 12 vignobles classés, la moitié sont situés en France, « ce qui prouve une certaine stabilité dans les pratiques viticoles de notre pays, où nous avons une connaissance profonde de nos terrains, ce qui n’est pas forcément le cas partout ».

Cette exposition mondiale du Rangen a-t-elle déjà eu des effets sur les ventes du grand cru ? « Pas encore », répond Eugène Schnebelen, qui estime que l’effet, s’il y en a un, ne se fera sentir que dans quelques mois, y compris au niveau touristique. « En tout cas, c’est un gros plus en termes d’image, à nous de savoir en profiter. »